Chaque rendez vous à l’hosto est une source d’angoisse, particulièrement ceux avec le chirurgien. Pourtant je l’aime bien elle est sympa, elle a toujours ce grand sourire lorsqu’elle m’annonce qu'elle va encore m’enlever un morceau.
Ce dernier rendez vous, je l’appréhendais particulièrement, je traînais des pieds sur le chemin de l’hôpital, ce chemin que je connais trop bien.
J’ai rendez-vous à 15h et je sais déjà qu’elle aura au minimum une heure de retard. L’expérience m’a appris qu’il vaut mieux avoir le premier rendez vous de la matinée ou de l’après midi, 15h c’est un mauvais créneau.
Comme d’habitude, elle ouvre la porte avec son grand sourire, impossible de lire sur son visage ce qu’elle va te dire. Je suis convaincue qu’elle m’annoncerait que je vais crever demain avec ce sourire là.
J’ai le cœur qui bat la chamade, il est temps de faire cesser ce suspense insoutenable, mais elle prend son temps, me fait asseoir et consulte longuement mon dossier.
Les résultats sont bons, on ne devrait plus être amené à se revoir.
J’aurais du sauter de joie et danser autour de la table, j’ai tout juste esquissé un sourire.
Elle m’a examinée et s’est félicitée de ma jolie cicatrice. Encore quelques analyses à faire, je reste sous haute surveillance, mais normalement j’en ai terminé.
Je suis sortie de là dans un état un peu bizarre, je n’arrivais pas à me réjouir.
Je regardais des feuilles voler sur l’esplanade en pensant à la liste des courses que je devais faire avant de rentrer.
Pour la première fois je suis sortie de là sans rien. Pas d’analyse, pas de rendez vous avec l’anesthésiste, pas de prise de sang, pas d’ordonnance, rien.
Pas de soulagement mon plus, mais une sorte de spleen très étrange. J’ai du mal à croire que j’ai pu m’attacher à mon cancer.
Il ma bien fallu quelques jours pour réaliser que c’était fini, mais être heureuse ce n’est pas encore le cas.
J’ai aussi du mal à croire ceux qui affirment que la maladie rend plus fort, ce sont de grosses conneries. La maladie, ça use, ça te plonge dans un monde hostile, ça affaibli, ça laisse des traces.
Bien sur, j’ai un peu honte de penser ça quand je songe à celles que ça a amené au cimetière mais c’est ce que je ressens, c’est comme ça.
Je suis en vie, je ne suis plus malade, mais ça ne me suffit pas